Aurore a 11 ans et elle a un pouvoir spécial: elle est capable de voir derrière les yeux des gens. Cette magie fait par contre en sorte qu'elle est incapable de parler, communiquant avec les autres en écrivant à toute vitesse sur sa tablette, mais surtout, qu'on la qualifie d'autiste. Elle perçoit ainsi que sa grande soeur Émilie, en pleine crise d'adolescence, pense parfois que c'est à cause de sa différence que ses parents se sont divorcés. Mais elle sait bien que, derrière leurs sourires, son père Alain et sa mère Cécile ont aussi leurs problèmes, le premier s'inquiétant du fait que sa nouvelle copine, de dix ans sa cadette, souhaite avoir un bébé avec lui, tandis que la seconde regrette d'avoir emménagé en banlieue de Paris et de s'être mise à fréquenter un banquier ennuyeux. Même si Aurore détecte ces vérités souvent cruelles, elle n'éprouve ni colère ni tristesse envers les autres et cherche plutôt à tout faire pour leur venir en aide. Elle se confie ici sur sa capacité à voyager à Sésame, un monde parallèle où disparaissent les objets des tours de magie et où elle est capable de s'exprimer sans entrave, notamment à sa meilleure amie Aube. Dans le "Monde dur", par contre, les choses sont plus problématiques puisque sa soeur Émilie et elle sont victimes des remarques désobligeantes de Dorothée et de sa bande de Cruellas. Les adolescentes s'en prennent particulièrement à Lucie, la copine d'Émilie, parce qu'elle souffre d'embonpoint et que son anxiété la pousse à toujours manger davantage. Un jour où elle accompagne les deux filles et leur mère à la piscine de Monster Land, ses détractrices la font fuir et un jardinier défiguré est injustement accusé, mais Aurore entend bien participer à l'enquête de police pour révéler ce qui s'est réellement passé au grand jour. Premier roman jeunesse de l'auteur américain Douglas Kennedy, qui ouvre en fait une trilogie centrée sur une jeune autiste à la fois imaginative, vive d'esprit et toujours prête à venir en aide aux autres. Par sa vision très objective du monde qui l'entoure, on aborde des thèmes bien difficiles, dont le divorce, l'intimidation, l'anxiété, le racisme et les complexes physiques, mais chacun d'eux est traité avec doigté dans un langage accessible aux jeunes lecteurs. Par contre, le récit se détourne du réalisme au niveau de la personnalité d'Aurore à cause de sa capacité à lire les pensées des autres en les fixant dans les yeux (ce qui s'avère très ardu à faire pour de nombreux autistes) et à ne ressentir aucune émotion (ce qui s'éloigne grandement de la réalité puisqu'on a longtemps considéré à tort que les autistes n'étaient pas capables de sentiments et de sensations). Ces deux aspects ont été le sujet de débats, particulièrement en France, selon la perception de ce qui peut représenter - ou non - un modèle acceptable de personne autiste dans une oeuvre de fiction. Une centaine d'illustrations fébriles à la plume de Joann Sfar transportent la trame fluide dans le monde rêvé d'Aurore, peuplé de créatures parfois monstrueuses.