Segalen, m©♭decin de la Marine, ausculte le monde comme un grand corps. Faire de ce monde une part de soi, tel est pour lui l'enjeu de la litt©♭rature. Plus que d'autres, il a le don de percevoir la multiplicit©♭ du visible, l'instabilit©♭ des choses, la vari©♭t©♭ du sensible. L'exotisme est son affaire, mais pour en aborder les th©·mes il a soin, pr©♭caution rare en son temps, de se d©♭barrasser du poncif ℗± palmier ? chameau ? casque colonial ℗ . Son app©♭tence pour le divers n'est pas d'ordre ethnographique. Ce qu'il vise, c'est ℗± une Esth©♭tique du Divers ℗ . © sa mort © quarante et un ans, en 1919, trois livres seulement avaient paru : Les Imm©♭moriaux, St©·les et Peintures. Des milliers de feuillets manuscrits attendent ©♭diteurs et lecteurs. Les efforts d'Annie Joly-Segalen font peu © peu sortir de l'ombre cet ©♭difice virtuel, ℗± po©♭sie encore ignor©♭e et au sein de laquelle vit un myst©·re ℗ (Pierre Jean Jouve, 1955). C'est sans doute cette lente maturation qui a fait de l'?uvre de Segalen notre contemporaine inattendue. La nature des manuscrits, lieu d'un dialogue de l'auteur avec soi-m©®me, interroge la notion m©®me d'?uvre et rend illusoire toute id©♭e d'exhaustivit©♭. Les genres, fiction, po©♭sie, journal, essai, sont soit combin©♭s, comme dans Le Fils du Ciel, projet d'art total, soit d©♭jou©♭s : ℗± J'©♭touffe dans le Roman ! ℗ En respectant comme jamais la pr©♭sentation des documents autographes (images comprises), la pr©♭sente ©♭dition ne renouvelle pas seulement la lecture du Fils du Ciel ou de l'Essai sur l'exotisme ; elle rend aux textes leur mouvement propre, celui d'une marche vers l'id©♭e grandiose, et chim©♭rique, que l'auteur se faisait de l'?uvre © laquelle il les destinait.