Achille fait partie de la mémoire collective, de la mémoire de ceux qui ont soif des grandes actions, de ceux qui ont été nourris au sein d'Homère, agenouillés devant les dieux de l'Olympe et des demi-dieux qui jonchaient la Terre. Achille a autant de visages que de lecteurs, autant de personnalités que de caractères qui jonchent notre vaste monde.

Difficile de cerner Achille et c'est pourtant la tentative à laquelle s'est attelée l'auteur dans ce tombeau. Ce n'est pas un roman, pas une biographie, pas une ode, pas un éloge funèbre, non, juste un tombeau où l'on tente de retracer des traits familiers entraperçus durant l'enfance, à l'heure des grands sentiments et des grands émois. Toute la première partie du livre y réussit admirablement. La seconde s'attache plus à voir Achille à travers les éléments caractéristiques de son être : la vitesse, la chevelure, la double face de l'amour et des armes, le carnage. Figures aperçues qui se dissolvent immédiatement tant le héros de l'Illiade ne se laisse point capturer vivant. J'en retiens essentiellement qu'Achille est la flèche, constamment projetée avec force vers sa cible, dans l'orbe parfaite donnée par la puissance de l'arc ; alors qu'Ulysse appartient au cercle, au retour, aux regrets. L'auteur est irrésistiblement attiré par le premier comme par un miroir qui renvoie trop brillamment les feux du soleil.

Vincent Delecroix écrit une belle langue, qui nécessite quelques efforts d'attention. Il emporte son lecteur attentif dans des régions de l'âme rarement explorées, aux confins du désir et de la violence, de l'enfance et de l'adulte, de la vie et de la mort. Achille est une seconde peau découverte, remise à l'écart quand est venu l'âge, et qu'il faut ré-endosser avant de franchir les étapes de l'âge mûr. Brillant et savant. ( )