Pourquoi ce titre? Adrien, la quarantaine et totalement déprimé, se trouve à un repas de famille affreusement convenu et ennuyeux, pendant lequel il reçoit de son futur beau-frère (qui lui tient la jambe sans coup férir pendant le repas), une demande de discours pour son mariage à venir. Cette demande inopinée l'angoisse au plus au point, à une période où il a totalement perdu pied. Tout au long du livre, il n'aura de cesse d'imaginer différents types de discours qu'il pourrait tenir à l'occasion.

C'est qu'Adrien attend désespérément un message de son ex qui lui a déclaré un mois plus tôt qu'elle avait besoin de "faire une pause".
Au départ, rien de bien fracassant, en réalité. On se dit, vaguement ennuyés nous aussi, qu'on va assister à un énième livre nombriliste et superficiel qu'on aura oublié sitôt refermé.

Et pourtant... au fil des pages, on finit par se laisser prendre par le regard déprimé de cet Adrien, spectateur de sa vie qui se contente de subir et qui rit de lui-même. Car l'arme fatale de Fabrice Caro, c'est l'humour. Et franchement, il en a à revendre. C'est simple, je n'ai jamais autant ri en lisant un livre. À deux reprises, je me suis sentie suffoquer (scène de la danse de la chenille lors d'une énième soirée en famille et scène du piètre déguisement du protagoniste qui l'empêche de se mouvoir normalement à une soirée), ce qui n'est pas si fréquent dans la vie d'un lecteur. Si l'on est sensible à l'humour de François Caro, on ne peut que déconseiller la lecture de ce livre dans un endroit public ; pas facile de mourir de rire dans le compartiment d'un train, par exemple (ce qui s'est trouvé être mon cas).

Si l'on rit beaucoup, on n'en est pas moins sensible à la manière dont l'auteur décrit les affres de toute personne confrontée à l'attente éternelle, obsessionnelle et paralysante inhérente au chagrin d'amour. Quiconque étant passé par là y retrouvera forcément un peu de lui-même ou d'elle-même. À ce titre, ce roman pourrait même bien s'avérer thérapeutique pour certains. Et c'est bien la force et la qualité du livre de Fabrice Caro que de toucher à certaines profondeurs sans donner l'impression d'y aller, juste en sachant tenir l'équilibre entre gravité et légèreté.

Le poids de la famille, l'ennui mortel des repas vécus comme une prison sans fin, les convenances et habitudes sempiternelles usées jusqu'à la corde, les liens de parenté qui prouvent si souvent la méconnaissance profonde qu'on a des uns et des autres (et que l'on entretient selon un rituel bien rôdé), le gouffre et la perte de tout repère quand la magie de l'amour disparaît de sa vie sans crier gare, la difficulté que l'on peut parfois éprouver à être l'acteur plein et entier de sa vie... sont autant de thèmes qui traversent ce livre. L'auteur a l'élégance de les évoquer avec la distance qu'il faut pour éviter, au bord du précipice, de sombrer. ( )

J'ai découvert Fabrice Caro par l'incroyable et fabuleux album "Zai Zai Zai". Après avoir entendu d'excellents commentaires sur le roman "Le Discours", j'attendais beaucoup de cette lecture. Peut-être un peu trop car finalement c'est une petite déception. L'impression que les recettes utilisées dans les albums ne fonctionnent pas dans le roman. J'ai souri de temps en temps aux réflexions décalées, parfois absurdes d'Adrien. Fabrice Caro dépeint un repas de famille avec beaucoup de tendresse pour ses personnages et on y retrouve forcément des situations que nous avons tous vécu. L'histoire sentimentale d'Adrien et son désarroi depuis le départ de Sonia est gentiment décrit. Voilà c'est un roman gentil, sans prétention qui se lit agréablement mais dont à la fin il ne restera pas un grand souvenir. ( )